Sophie était des premiers abonnés à notre page Facebook. Nées le même jour, elle et moi, nous échangeons des commentaires de temps en temps sur nos profils privés aussi. On s’imagine beaucoup de choses sur de tels brefs échanges, même lorsqu’ils durent une petite année, il arrive d’en inventer de belles. Ainsi, dans mon esprit, j’allais rencontrer une jeune étudiante qui rêvait de devenir peintre. Et v’là-t-y pas que je rencontrais une peintre née, qui peignait depuis son enfance et exposait en temps que peintre depuis 15 ans déjà. Son rêve est plutôt d’écrire. Elle écrit quelques poésies, et a une pièce de théâtre à son actif. Du vif et rythmé, comme son jeune esprit qui avait escamoté son expérience et son vécu à mes yeux un an durant.
Comme quoi, rien de tel qu’une rencontre, une vraie, où l’on se pose ne serait-ce qu’une heure pour échanger nos vérités ! Voici donc, comme si vous y étiez, l’interview de Sophie Chovaux, peintre de longue date, lors de son exposition au Stop Cluny, boulevard Saint-Germain, Paris !
P. : Comment t’est venue l’envie de peindre ?
S.C. : Je peins depuis toute petite, je me souviens encore de mon premier dessin, un beau cheval de cirque avec des guirlandes partout, je participais à un atelier où j’étais la seule enfant et je me souviens que je pouvais faire tout ce que je voulais. En grandissant, j’ai travaillé et oublié quelque peu la peinture. Elle est revenue dans ma vie tristement… Avec mon mari nous venions de traverser une période de deuil, et j’ai eu envie de couleurs, j’ai acheté quelques gouaches et je me suis mise à peindre comme une enfant, comme ça, pour me faire du bien, comme une thérapie, un besoin de sortir du noir. Ce moment a duré trois ans. Et j’ai eu la chance que mon père puisse voir mes premières toiles. Il était étonné et ravi, je pense qu’il était très fier.
P. : Et maman ?
S.C. : Huuu maman, on sait pas… Peut être… Maman, elle disait pas les choses.
P. : Du coup, toi, t’en dis ? A travers la peinture au moins ?
S.C. : Mmmmouais *rires*
P. : C’est très sensuel ce que tu nous montres dans cette expo, c’est beau !
S.C. : Oui, ça a été un déclic, ça fait un an que je suis dessus. J’en ai d’abord fait une ou deux, je les ai mises sur mon site, et quelqu’un m’a dit « Oh je les veux pour une expo chez moi ! » alors je me suis dite deux, c’est pas suffisant, et c’était parti pour la série.
P. : Une série c’est vrai, elles sont toutes rouges, ça a une signification pour toi tout ce rouge ?
S.C. : Oui, c’est une cohérence, juste une cohérence. Les couleurs sont les mêmes, justes quelques différences dans les dessins, les tatouages, et tout autour du préliminaire, de la caresse, de la tendresse.
P. : C’est vrai que c’est exactement ce qu’on voit, ce qu’on ressent, il y a beaucoup d’émotion dans tes peintures.
S.C. : On m’a dit qu’il y avait une certaine violence dans ce rouge, et puis très très vite atténuée par la douceur des personnages. Mais bon, le rouge, c’est la passion.
P. : Ça a donc démarré sur une base thérapeutique et puis j’imagine que tu as évolué depuis, quelle est ta relation à la peinture à présent ?
S.C. : Oui et depuis que je suis venue vivre en Seine et Marne, oh là là, oui, elle a beaucoup évolué ! Je ne faisais pas du tout de portrait avant. Aucun portrait. Et je ne voulais pas en faire. Je faisais des paysages. Maintenant, ma peinture, c’est moi. L’écriture, c’est une envie, comme je te disais, mais peut être un peu à côté, ça, la peinture que je fais maintenant, c’est moi.
P. : Tu faisais autre chose donc dans la vie en parallèle ?
S.C. : Oui, j’ai fait beaucoup d’intérim, j’ai beaucoup voyagé, et puis nous avons tenu un restaurant un temps. En 2012, lorsque nous l’avons fermé, j’ai pensé que personne n’engagerait une ancienne secrétaire de 53 ans, donc…
P. : 53 ans ??? Jamais on ne pourrait l’imaginer ! Tu parais extrêmement plus jeune que ton âge, aussi bien physiquement que ce que j’ai pu percevoir de toi dans nos échanges Internet depuis un an !
S.C. : On me le dit souvent oui ! On me donne pas plus de 40 ans en général *rires de plaisir*
P. : Tu dois avoir ça dans l’esprit !
S.C. : Oui, oui, c’est de famille, mon père était pareil, tu lui donnais pas son âge. Mon frère paraît plus vieux, mais c’est dans sa tête.
P. : C’est ça !
S.C. : Oui, je suis jeune dans ma tête, c’est vrai :)
P. : Alors ! Que fait la jeune dans ta tête pour rester jeune ?
S.C. : Je suis moi même, c’est tout. J’ai envie de vivre je m’éclate je m’amuse, j’aime. Être toujours amoureux, c’est très important. Toujours aimer, toujours. C’est l’amour qui fait la vie et la jeunesse. Je crois que tu es d’accord avec moi ?
P. : Oui ! Hier, je me suis offerte une fleur juste pour aimer ! Ca s’endormait en moi, et hop, elle l’a réveillé ! Et toi, tu fais comment, tu aimes qui, tu aimes quoi ?
S.C. : J’aime la vie *soupir* j’aime l’homme, je suis très contemplative aussi, j’aime les choses, ce que je vois, c’est vrai que pas toujours, les choses ne sont pas toujours aussi belles que j’aimerais les regarder, on a assez discuté de ça dans les commentaires FB, mais je me dis, y’a pas que du mauvais, c’est mon yoga, je me dis que tout ce qui arrive reste bon…
P. : Tu sais que tu t’adresses à une optimiste invétérée, tu peux te lâcher sur ce point !
S.C. : Indécrottable !
P. : C’est une question de survie, aimer !
S.C. : Oui, aimer, et être aimé. Et puis quand on ne s’aime pas, on peut pas aimer les autres. Quand tu as une haine de toi, tu as une haine des autres.
P. : Comment tu as su tout ça toi ? :)
S.C. : Y’a des choses qu’on a en soi, c’est une évidence, et puis peut être une ancienne foi catholique qui remonte. J’ai pas la foi en l’homme, il n’est pas naturellement bon, c’est pas inné chez l’homme. Il peut le devenir, mais par l’éducation.
P. : Ah tu vois, j’pars du point de vue inverse pour arriver au même point. Il né bon, et toute l’éducation, tout ce qu’il vit, l’expérience de ce qui existe entre les hommes, peut le rendre blessé, méchant, profiteur. La souffrance.
S.C. : C’est la première éducation qui doit être bonne. Après y’a le reste. Mais déjà, il a des racines, on lui a donné des racines, si elles sont bonnes à la base, après, il aura le choix.
P. : Oui, et il s’améliore, chaque génération fait de mieux en mieux son choix. J’ai rencontré par exemple une femme qui avait pour base la totalité de ce que l’homme peut avoir de mauvais. Dans sa famille, il y avait eu des meurtres, des suicides, des incestes, des viols, tout. Et elle a clairement décidé que tout ça s’arrêterait à elle. Elle a eu des enfants, et ne leur en a pas parlé tout de suite, les trouvant jeunes. Mais vers 6 ou 7 ans, l’un de ses garçons a commencé à s’intéresser à tout ce que l’homme a de mauvais et se passionner pour les histoires sanguinolentes. Comme quoi, même sans rien dire, on sait d’où on vient inconsciemment. Et bien à ce moment, malgré son jeune âge, elle a choisi de lui en parler, de lui expliquer d’où lui venait cet intérêt, ainsi que la mission qu’elle s’était assignée, de faire en sorte que toutes ces histoires s’arrêtent à elle dans la famille. Dès cet instant, l’enfant ne s’est plus intéressé à ces histoires et a fait le même choix, aider sa maman dans sa mission.
S.C. : On a ce pouvoir oui. Parfois, c’est une simple question de facilité, on laisse faire les choses.
P. : Bon voilà. Indécrottable. Faut pas m’lancer sur le sujet, laisse tomber.
S.C. : *grand éclat de rires *
P. : Alors, est-ce que t’as cette sensation toi, quand tu peints, à chaque fois, de faire mieux que la précédante ?
S.C. : Oui. Oui, tout à fait. Parce que j’avance. Là tu vois, j’ai déjà des dizaines d’idées sur mes prochaines séries.
P. : Aha ! Alors ? Raconte !
S.C. : Aaaaah, petit secret :) C’est un travail sur l’onirique et le gothique. Quand on me voit on sait pas, ça se voit pas que j’aime le hard rock, le gothique, le métal, je suis aussi assez gothique dans l’âme, j’aime les choses très profondes, le noir, et j’ai envie d’un travail sur les gargouilles, le lyrisme, le gothique, et toujours la beauté. Beaucoup de rêve !
P. : Pour en revenir à ton exposition, est-ce que tu as d’autres choses à ajouter ?
S.C. : Oui, il y a une autre exposition à venir près de chez moi, à Provins, j’ai pas encore de date mais j’ai le lieu. Ca s’appelle Le 17, c’est un club. Y’a plein de concerts et on y boit de la bonne bière !
P. : Génial ! Et bien ça fait bien 15 minutes qu’on parle, t’en as assez ou on peut continuer encore un peu ?
S.C. : Continuons !
P. : Je peux rentrer un peu plus dans l’intimité du sujet ou… ?
S.C. : *rires* Vas-y, vas-y…
P. : Bien alors raconte-moi, qui tu es,
S.C. : Hou !
P. : d’où tu viens,
S.C. : Ah !!!
P. : ton enfance, ta petite personnalité, je veux tout savoir…
S.C. : *rires* Eh… Il y en a pour 53 ans t’imagines, attends, arrête…
P. : Voilà, alors, on a une rubrique sur notre site qui s’appelle Expériences de vie, si tu résumais tes 53 ans de vie, pour en faire une histoire, comme on témoigne à l’humanité, comme on laisse sa trace, son message,…
S.C. : *!!! grandes exclamations !!!* puis *soupir*…
P. : Qu’est-ce que la vie t’a appris ?
S.C. : La liberté.
P. : Ah ! La liberté ! Vas-y à donf ! Raconte ! Comment tu as vécu la liberté ?
S.C. : La liberté…. La liberté… Ça a été travailler libre. J’ai fait beaucoup d’intérim, pendant pratiquement 20 ans, et je n’arrivais pas à garder un poste fixe. Dès que j’étais en fixe plus rien n’allait et j’avais qu’une envie c’est prendre la route. Voilà. Je suis assez Kerouac dans l’âme. On n’a pas mal voyagé tous les deux…
(Joël, le mari de Sophie ainsi que sa soeur Joëlle sont présents à ses côtés lors de cette interview.)
P. : Ça fait longtemps que vous vous connaissez tous les deux ?
S.C. : Oh oui, ça fait 30 ans ! On a beaucoup tracé la route. J’ai toujours aimé prendre la route.
P. : Ça fait combien de temps que vous êtes à Provins alors ?
S.C. : Ça va faire 3 ans. Ça fait peut de temps, là j’ai trouvé de belles racines mais ça m’empêche pas de bouger. J’ai commencé à participer à une petite troupe itinérante artistique, avec des expositions un peu partout dans la région. C’est très spontané, la structure n’est pas encore bien en place, ça commence tout juste, c’est la deuxième fois qu’on fait ça. Et là la propriétaire du lieu a proposé de publier des photos, du coup on a commencé a faire des ateliers créatifs aussi, etc, avec le bouche à oreille y’a une centaine de personnes de regroupées, ça me plait bien, c’est très drôle.
P. : Comment tu décrirais ta personnalité, quel genre d’humain tu es ?
S.C. : Moi ??? Qui suis-je, Isabelle ?
Isabelle : Instinctive, extrêmement créative, nature, très généreuse, c’est l’une des personnes les plus généreuses que je connaisse. Son mari peut confirmer ?
Joël : Oui oui, c’est tout à fait ça.
Isabelle : Par contre faut pas la contrarier mais ça, c’est une autre histoire, c’est entre soeurs ça.
P. : Ah ben ça va avec, qu’est-ce qui te contrarie, dis-moi tout !
S.C. : Aaaah les emmerdeurs, les cons, les chercheurs de noises, pour les petits détails à la noix, débiles, pour un oui pour un non, dont on se fout, ils se regardent le nombril et ils ont envie, ils ont envie de se faire du mal, et y’en a un paquet comme ça, j’en ai croisé hein, au boulot, j’en ai croisé, partout, vivons de Spirou et fouttez-nous la paix, voilà ce que j’leur dis ! Tu sais ce qu’il faut faire quand on tombe sur des gens comme ça ? Moi, j’leur fais des grimaces. On me prend pour une super chtarbée, mais y’a que ça à faire.
P. : Je crois j’vais te piquer la méthode, oui !
S.C. : Prends-la, je te l’offre !
P. : Et dans ta peinture ? On retrouve ces choses de ta vie ou c’est plus une échapatoire ?
S.C. : Oh, les choses de ma vie… Ben peut être ça (montre les peintures exposées).
P. : Comment tu parlerais d’amour, toi aux jeunes tout justes ados aujourd’hui ?
S.C. : Laissez faire. Les choses viennent toutes seules. On trouve toujours, pas la peine de chercher. On trouve souvent mieux que ce que l’on peut chercher. Prennez ça comme un cadeau, on se fait beaucoup d’idées sur la sexualité, mais ce n’est qu’une expérience, il faut laisser faire la vie.
P. : Je trouve que tes peintures sont vraiment pleines d’amour, dans la relation de ces deux personnages y’a vraiment beaucoup, beaucoup d’amour, et je pense en regardant ça aux jeunes pour qui la pornographie est si disponible de nos jours, l’immense différence qu’il y a entre ce qu’on peut trouver comme image de la sexualité pornographique et ce qu’elle est en réalité, ce que nous avons vécu d’elle avant qu’elle ne devienne un tel marché, y’a pas grand chose à voir, et je trouve que tes peintures sont sublimes pour ça, on pourrait aller les voir en classe et leur parler non de ce que l’on voit, ce sur quoi la pornographie joue, mais de ce qui est à l’intérieur de chaque partenaire lorsqu’on fait l’amour.
S.C. : Oui, il y a une osmose entre ces personnages.
P. : Qu’est-ce qu’on ressent quand on est enlacé comme ça, dans ce genre d’étreintes ?
S.C. : On est sur un nuage, malgré tous les problèmes, on en a vécu des problèmes, ça n’a pas été facile, c’est là qu’on sait qu’on est bien, quand on arrive à tout surmonter ensemble et se sentir sur un nuage quand on a fait l’amour. Je pense aux jeunes, qu’ils aient un ou des partenaires, on s’en fiche, c’est ce qu’ils font avec ce partenaire qui compte, quel qu’il soit, le principal c’est ce qu’on se transmet l’un l’autre.
P. : Donc pour résumer, pour toi, la Liberté c’est bouger ?
S.C. : Bouger !
P. : La fraternité ? Difficile ?
S.C. : Non !
P. : A rééduquer ?
S.C. : Mmmm… mmoui…
P. : Et la créativité ?
S.C. : Ah ! La Créativité ! Alors, la créativité ! Tout le monde peut créer, nous en sommes tous capables si on s’en donne les moyens, si on a envie de le faire, et la créativité, c’est la vie.
P. : J’adore ce que tu dis ! Je vais adorer écrire ça !
S.C. : *rires* J’imagine !
P. : Tu as des choses à ajouter ?
S.C. : Non c’est très bien. Juste que c’est ma première fois, l’interview.
P. : Ah ben j’adore faire les première fois, ça t’a plu, t’es contente ?
S.C. : Oui.
P. : Génial ! Je t’en souhaite plein, le bal est ouvert !